Pré de Loye

Prat de l’Òia

Le cadastre napoléonien de Sainte-Sigolène nous donne une désignation Pré de Loye pour une parcelle du village de Fey 1.

Cette appellation attire notre attention : que représente Loye ? Il semble qu’on puisse reconnaître Pra(t) de l’Òia, c’est-à-dire Pré de l’Oie. On ne doit pas s’arrêter à cette explication fragile et il nous faut tenter une autre hypothèse.

Pour point de départ, nous remarquerons que òia est bien le mot du patois sigolénois pour « oie », mais il s’agit d’une forme atypique pour une zone de langue occitane : on s’attendrait à avoir aucha (lat. auca). Bien que òia soit généralisé à l’est du Velay, on ne doit pas en conclure que c’est la forme authentiquement locale ; on ne peut pas écarter la possibilité d’une substitution de aucha occitan par òia, forme qui serait refaite à partir de òii forézien. Une telle substitution ne serait d’ailleurs pas un cas unique : on a connu l’introduction de chiòra, une forme phonétique de chieura forézien, qui a remplacé chabra (« chèvre »). Les foires et marchés ont certainement été le vecteur de diffusion de ces formes foréziennes.

On doit ensuite constater que aucha « oie » est phonétiquement proche de òucha « ouche », la confusion entre les deux est concevable 2. Le cadastre napoléonien de Sainte-Sigolène offre de très nombreuses parcelles nommées l’òucha, parfois écrit Louche, souvent Lauche dans les sections F, L, M. Au moment du cadastre napoléonien, notre parcelle Pré de Loye fait partie d’un bien foncier incluant un corps de ferme, sa localisation par rapport à ce bâtiment est tout à fait caractéristique d’une ouche 3.

On peut donc imaginer un scénario où, au départ, notre parcelle est cultivée comme une ouche. Tout espace agricole étant réaménagé un jour où l’autre, cette parcelle devient un Prat de l’Òucha ; puis, on oublie le sens, on le réinterprète en Prat de l’Aucha. Ce nouveau nom est embarqué dans le mouvement de substitution de aucha par òia, d’òu Prat de l’Òia, finalement adapté en Pré de Loye.

On peut alors supposer que ce changement de sens a dû se produire ailleurs dans l’espace occitan. Une rapide recherche sur Internet est fructueuse : on trouve par exemple « l’oie plumée » dans la commune de Meilhards en Corrèze, substitut à l’òucha plomada « ouche dénudée, abandonnée » 4.

Prat de l'òia
Cadastre napoléonien de Sainte-Sigolène, section F, parcelles 603, 606, 610
  1. Cadastre napoléonien de Sainte-Sigolène, section F, parcelle 603 ↩︎
  2. ÒU [ɔu] est devenu [ɛu] à Sainte-Sigolène, [ɔu] et [ɛu] sont à égale distance phonétique de [au] ↩︎
  3. Constitué des parcelles 603, 606, 610 , appartenant à Joseph Jannet ↩︎
  4. Limites de territoires et de parcelles dans la toponymie de la Corrèze , Michel Probel ↩︎

Inscrivez-vous à la Letra Marraire

Retour en haut