Le Pinet, Pine

Pinet

Le nom de ce village de Sainte-Sigolène présente une curiosité. Nous avons deux façons de le nommer, d’une part « au Pinet » [opi’ne], et d’autre part « à Pine » [a’pin]. Indiquons que pour le patois sigolénois, il me semble qu’il y a hésitation sur la position de la syllabe tonique, entre [‘pi’nø] et [‘pinø]. C’est l’occasion de mentionner qu’il est d’usage de faire précéder les noms de villages de (v)ès, Pinet alors désigné vès Pine(t) ou ès Pine(t) .

L’origine du mot est le latin pinetu « forêt de pins », qui a donné l’occitan pinet dont la forme est piné pour l’occitan vivaroalpin 1. Pinetu est également à l’origine de pineda, pinea. Le suffixe E(T) est un collectif issu de -etu, à ne pas confondre avec le suffixe ET issu de -ittu qui représente un diminutif. Le collectif E(T) est particulièrement utilisé pour les plantes, dont les arbres, mais il n’est plus productif depuis de Moyen Âge où la variante féminine E(D)A s’est généralisée 2.

Venons-en aux deux variantes francisées, Pine et Pinet, c’est-à-dire [pin] et [pi’ne]. Pour comprendre ces deux variantes, il faut nécessairement traiter des évolutions phonétiques propres aux parlers de notre région. Il se trouve qu’au nord du département de la Haute-Loire, la prononciation de E [é] est devenue anciennement [ø], c’est ici la clé de la transition de piné [pi’nø] à pine [‘pinø]. La francisation a apporté de nouvelles habitudes phonétiques, on a ainsi créé la forme [‘pinø] dans la mesure où le schéma phonétique français n’offre que la position atone pour [ø] / [ə]. On aurait ainsi eu un premier registre francisé avec Pine [‘pinø], devenu [pin]. Ce n’est que plus récemment qu’a dû apparaître une nouvelle innovation [pi’ne] sur la base de la forme écrite Pinet .

Vous pouvez entendre ici la voix de Michel Boyer prononçant ès Pine(t). Il s’agit d’un extrait de son ouvrage « Un braconaire ès Golena »

ès Pine(t)
Mas, poguèran pas rapir vès Pinet « Mais, ils ne purent pas monter au Pinet »

Vous pouvez entendre plus longuement Michel Boyer dans l’enregistrement proposé ici.

On appelle les habitants du Pinet, les « pinatous », c’est-à-dire les « pins ».

Pour finir par une anecdote, nous irons à Madagascar retrouver les traces de ce Pinet sigolénois en suivant Jean-Marie Grangette, né en 1872 au Pinet selon son acte de naissance, ou né à Pine suivant le Journal officiel de Madagascar et dépendances, du 31 octobre 1914.

  1. Pinei en francoprovençal, français « Pinay » ↩︎
  2. Jean-Pierre Chambon, in : Estudis Romànics 36, 2014g, 373-381 ↩︎

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